Extraits

Livre 24

Sa meilleure amie lui propose d’aller danser.
Avec deux de ses copains.
Elle adore ça.
Peu-être que l’un deux l’intéressera.

En effet, ils sont mignons.
Pas son style mais plaisant au regard.
Ils les emmènent dans une boîte branchée du centre.
Genre de boîte où il est indispensable d’avoir la belle voiture que le portier prend soin de mettre au parking.
Ils descendent de la voiture comme des stars.
Elles jouent.
L’entrée est trop chère à payer.
Elles s’en plaignent, elles n’ont rien demandé.
Une nana top canon les fait rentrés.
Pas son style non plus.
Plutôt le style d’un des deux gars.
À l’intérieur.
Ils sont dans une boîte de strip-tease.
Mais qu’est ce qu’elle fait là !
Entourée de débiles mentaux.
Qui s’excitent sur les poteaux, le bar, les rampes, rien que du show.
Du show et du fric.
Heureusement qu’elle n’a pas payé les 30 euro d’entrée.
En plus, il y en a que pour les hommes.
Soit des danseuses, soit des homos.
La boîte est en longueur, pas de place sur la largeur, obligée de faire du collé serrer.
La première bière aide à faire passer.
Elle tente de draguer le plus mignon des deux gars, mais il ne dit pas un mot.
À part son nom, 4 fois, car la musique est trop forte.
C’est tout ce qu’il lui dit.
Son amie lui rappelle qu’il est chasse privée, qu’elle est dessus depuis le début.
OK, bien compris, je vais chasser ailleurs beauté !
Elle jette un œil autour d’elle.
Immédiatement, elle s’aperçoit qu’un homme lui jette des regards réguliers.
Encore un qui aime les problèmes, se dit-elle.
Ce qu’il ne sait pas, c’est que quand elle boit, elle ne s’arrête jamais.
Il fume un cigare, puant.
Il lui paye une bière.
Elle n’aime plus ses regards, trop insistants, mais elle aime son côté paternel : je te prends en charge.
Il a l’air bien civilisé, gentleman. Cela plait.
Son amie lui dit qu’elle s’en va. Avec les deux mecs.
Moi, je reste, répondit-elle.
Son gentleman se porte garant pour elle.
Ca paraît louche, mais elle a envie de se sentir insouciante. Encore un peu.
Il lui paye encore une bière, puis encore une.
Lui, il ne boit pas. Jamais.
Pourquoi pas pense-elle, il aura le mérite de se souvenir de la soirée entièrement.

Elle le suit. C’est dit.
Ils montent dans un taxi. Il lui dit qu’il vit chez ses parents, encore.
Ils vont à l’hôtel.
À nouveau, elle se demande ce qu’elle fait là.
Puis, elle n’y pense plus car l’alcool la submerge.
Elle préfère faire confiance à des inconnus plutôt qu’à elle-même.
Sa tête s’endort sur son épaule.
Cela fait romantique.
Le chauffeur doit se demander quoi.
Surtout qu’ils vont au « Princess Hôtel », le plus chic, le plus cher.
Les 5 étoiles coûtent 250 euro la nuit.
Elle se sent mal.
Pourvu que personne ne la remarque.
Il a l’air d’être connu.
Un habitué.
Ils montent. Il est toujours sympathique.
Elle fait genre, j’assume, tu sais, j’ai l’habitude qu’on dépense 250 euro pour être avec moi.
Qu’elle est naïve, elle sait bien que 250 euro égalent : ce soir je vais te baiser.
Elle s’arrête d’y penser.
Cela lui fait peur.
La chambre est grande, au 13 étage, pas encore le dernier.
Deux grands lits.
Elle est rassurée.
Une belle salle de bain.
Elle ira y faire un tour d’abord.
Elle n’ose plus.
Rien.
Il ne lui plait pas.
Il prend sa douche.
Elle se déshabille vite et va le rejoindre, en souriant.
Ils se nettoient ensemble, rapidement.
Elle se met au lit.
Il monte sur elle. Son ventre est gros. Son ventre est là sur le sien.
Elle le touche, avec dégoût.
Elle essaye d’y prendre du plaisir, après tout ce n’est qu’un ventre.
Elle en aura un semblable un jour.
Elle n’arrive pas à détacher son attention de ce ventre, qu’elle continue à caresser.
Il prend toute la place.
Il est gros. Et rond.
Gros et rond.
Il ne bande même pas.
Trop vieux.
Puis soudain, elle dit qu’elle ne peut pas.
Elle dit qu’elle ne veut.
Elle dit qu’elle est désolée.
Qu’elle n’en a pas envie.
Que c’est comme ça.
Elle se retourne et pose sa tête sur les oreillers du Princess.
C’est ça pense t-elle, elle est une princesse et elle n’a pas envie de coucher avec lui, avec ce ventre, avec 250 Euro en carte de crédit.
Il est contrarié.
Irrité.
Il continue de la caresser.
Il la masturbe. Elle l’arrête.
Il se couche à côté d’elle.
Elle accorde que leurs peaux se touchent.
Ce n’est pas ça qu’il va l’empêcher de dormir.
4 heures de sommeil, il est 9 heures du matin.
Il est dans la salle de bain et chante doucement.
Il arrive, elle ouvre un œil.
Elle a trop chaud et la tête qui tourne.
Il revient du barbier de l’hôtel. Il est en pleine forme.
Il lui propose de déjeuner. Elle dit non.
Qu’elle veut rentrer.
Sa voiture est au garage, dit-il.
Son chauffeur pourra la déposer pour midi.
OK, ça ne l’intéresse pas.
Elle peut rentrer toute seule. Elle trouvera bien le chemin.
Il passe un coup de fil et s’arrange pour que sa Jaguar deux places soit en bas dans l’heure.
Elle en profite pour regarder longuement la vue du 13eme. Magnifique.
Ils sortent de l’hôtel, comme des criminels, le ventre creux.
Il la raccompagne, il la veut jusqu’au bout.
En chemin, ils s’arrêtent déjeuner le long de la mer.
Il prend au buffet les saucisses roses fluos trempant dans l’huile.
Elle fait un effort pour ne pas penser au ventre.
Au sien.
Puis, il la dépose devant chez elle, narguant un baiser.
Mais ça aussi, elle ne peut pas. De trop.
Il lui propose d’aller faire les magasins ensemble, lui acheter ce qu’elle veut. Il dit qu’il cherche sa princesse et que si elle veut, elle pourrait l’être. Pour lui.
Elle s’en va.
Deux jours plus tard, il la rappelle à un mauvais moment : elle est au lit, avec l’homme qu’elle aime.
Elle le remballe sèchement.

Livre 26

Don.
Gratuité.
Lumière.
Soleil.
Quelle aventure d’aller à ce rendez-vous.
Ce genre d’histoire qui vous donne envie d’aller nager.
De le revoir aussi.
D’être plus posé.
Et plus belle.
D’avoir chaud.
Et de faire de belles choses.

Je l’aurais aimé plus sexy, moins féminin.
Plus homme.
Moins doux.
Une belle chemise blanche tranchée par un pull rouge.
Il a tout de même regardé si je portais des talons.
Ma vie est-elle si pauvre que je doive fantasmer gentiment sur toutes les petites choses et rencontre de la ville, de la vie ?

Livre 32

Elle déteste le homard.
Pas que ce soit mauvais.
Non.
Plutôt il lui est déconseillé d’en manger.
La digestion.
Puis, c’est rouge.
Comme la passion.
Et ça, la passion elle n’en peut-plus.
Le homard, c’est un peu ça.
Un syndrome passionnel surgit du fond, d’un fond.
Une force qui l’aiderait à téléporter sa vie entière.
Impossible à maîtriser.
Sauf pour boire et fumer jusqu’à l’aube, ne pas dormir, sentir la fatigue, jusqu’à la perte d’équilibre.
La faim passée mais toujours l’envie de faire l’amour.
C’est ça, la passion.

Elle déteste le homard pour cette raison.
Pourtant, elle aimerait l’embrasser, le bouffer, le lécher.
Sucer son jus dans les recoins de ses entrailles.
Puis le digérer, le chier et l’oublier.
Elle n’arrive pas à l’approcher.
Inaccessible passion.
Que je te connais tant, que tu me tiens tout autant.
Elle veut être une mante religieuse.
Pas trop religieuse.
Quand cesseras-tu de me coincer dans tes pinces reptiliennes ?
Maudit soit le homard.
Des heures, des jours à l’attendre.
Un coup de fil trop tard. Puis, plus rien.
Elle tente de l’apprivoiser.
Aucun signe en retour.
Lequel des deux est enfermé dans l’aquarium aux plantes fluorescentes ?
Elle croit bien qu’elle y est, noyée au fond.
Oui, c’est un homard.
Crasseux, que l’on vide et jette aux ordures.
Un déchet, rien de plus.
Orphelin avorton.
À peine né, déjà bouffé.
Tu ne m’as rien fait, pourtant je vais t’en faire baver mon ami.
Maudit soit l’attente, si longue.
Une semaine de rêve et 3 heures de réalité.
Une arnaque.
Un tournant inévitable à passer.
Ce soir, elle projette de voir une amie.
Elle ne peut s’empêcher de programmer la sortie sur Saint-Gilles.
Elle aura une chance de le croiser.
Elle en a la chair de poule.
Elle a peur de le voir.
Si seulement.
Et s’il ne la reconnaît pas ? C’est qu’il fait semblant.
Qui est-elle à ses yeux ?
Incompréhension. L’absence. La sienne.
Faut boire. Oublier, ou ranimer l’envie.
D’une histoire à vivre.
Elle n’en veut même pas. Elle aime trop sa liberté.
Elle le prendra comme amant.
Elle boit.
Après le premier verre, elle se sent rougir.
Le second aide à faire passer le trac de la petite fille.
Après la bouteille de vin grec, celui qui vous enfonce dans le sol et deux bières désaltérantes, qui requinquent.
Le homard n’est toujours pas dans l’assiette, à l’attendre.
C’est encore elle qui s’y trouve, des couverts prêts à la transpercer. Les yeux la dévisagent, elle respire l’haleine pesante, elle veut disparaître.
Encore une bière qui met fin au cauchemar.